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jeudi 16 avril 2009

Faut-il préférer les bijoux à l'or comme valeur refuge ?


Le quotidien suisse Le Temps citait un secteur qui, en Islande, ne connaissait pas la crise : faute de pouvoir, dans la pratique, acheter de l'or physique, les habitants de ce pays se ruent sur les montres de luxe, en particulier les Rolex, considérées désormais comme l'un des rares investissements encore fiables de cet Etat en faillite.

L'idée n'est d'ailleurs pas nouvelle. Dans les périodes troublées, les bijoux, sertis de pierres précieuses, facilement transportables, atteignent des montants parfois particulièrement élevés. Ils permettent de concilier l'utile à l'agréable : bijoux, pour les femmes, et montres de prestige, pour la gent masculine, conjuguent ainsi plaisir et placement avisé.

Mais la réalité correspond-elle véritablement à cette image idyllique, complaisamment véhiculée par les professionnels du secteur ?

Le lingot ne se démode pas
Sur le long terme, les bijoux offrent un inconvénient majeur : ils se démodent particulièrement rapidement. La taille et le coloris des pierres recherchées ne sont plus les mêmes que celles exigées il y a quelques dizaines d'années.

Les rares bijoux du XVIIIe siècle, tout comme l'abondante production du XIXe siècle, sont délaissés. Pour le siècle dernier, hormis la joaillerie la plus récente, il n'y a guère que les créations Art nouveau ou Art déco qui restent recherchées.

Pour l'essentiel, la revente d'un bijou se réduit le plus souvent à son poids en or, augmenté, le cas échéant, de la valeur des pierres précieuses qui l'accompagnent. La griffe d'une grande maison (Cartier, Tiffany, Van Cleef & Arpels, etc.) offre certes la garantie d'une plus-value appréciable.

Pour l'horlogerie de prestige, si les pièces récentes sont recherchées, les montres bracelets plus anciennes, à partir des années 1925, connaissent également des prix soutenus.

A plus court terme, la joaillerie peut-elle rivaliser avec l'or d'investissement, que nous considérons actuellement comme l'un des meilleurs moyens pour préserver son capital dans la présente crise ?

Le bilan n'est guère enthousiasmant. Seuls quelques bijoux massifs (gourmettes, porte-cigarettes, etc.) ont pu suivre, ces derniers temps, la bonne tenue du métal précieux. Les pièces de joaillerie les plus onéreuses comprennent généralement des pierres précieuses, dont le prix a fortement baissé avec la crise. A Anvers, le cours du carat dévisse. L'indice PolishedPrices des diamants a ainsi chuté de plus de 135 points à mi-2008, pour atteindre 111 ces derniers jours.

Aucune amélioration n'est envisagée à court terme, malgré la diminution probable de la production. Les montres de luxe ne sont pas logées à meilleure enseigne. Le marché du neuf s'est contracté de moitié ces derniers mois. Les échanges, en vente publique, font apparaître une chute moyenne des prix de plus de 15% pour les montres de collection. La grave récession actuelle ne profite donc guère à la joaillerie.

Des bijoux de famille contre l'inflation
Tout espoir n'est pour autant, à terme, pas perdu. La création monétaire débridée de nos grands argentiers et le recours à la planche à billets vont probablement engendrer une inflation galopante. Ce type de configuration s'avère des plus propices à l'envolée des objets précieux. Les années 1970-1980 avaient ainsi vu le prix des bijoux exploser et la valeur de certaines gemmes parfois multipliées par dix ou plus.

Encore faut-il savoir bien acheter. L'envolée des pierres précieuses, il y a une trentaine d'années, avait, au contraire, suscité la déconfiture de nombreux épargnants piégés dans des diamants hors de prix vendus par certaines officines.

En dehors de ces cas litigieux, il faut cependant prendre en compte le véritable fossé qui existe entre le prix d'achat d'un bijou neuf et sa valeur lors d'une revente d'occasion, et ce, malgré l'apparition, en ce domaine également, de distributeurs low cost ou de l'explosion du commerce en ligne.

La différence reste en effet considérable : un bijou se revend ainsi fréquemment entre 50% et 75% plus bas que sa valeur à l'état neuf. En vente publique, les prix sont certes moins élevés, mais le différentiel entre un objet acheté aux enchères et revendu par ce même canal se situe, compte tenu des frais relatifs aux ordres d'achat et de vente, entre 30 et 40%. Ces frais à la base obèrent lourdement la rentabilité d'une telle opération et les commissions sur l'or, même physique, s'avèrent incontestablement plus économiques.

Sur le plan strictement financier, l'or semble beaucoup plus à même de générer, dans la période présente, de solides plus-values et constitue un investissement moins risqué. Mais bijoux et montres forment une dépense plaisir, qui conserve, au moins partiellement, sa valeur avec le temps. De tels investissements trouvent largement leur place, à titre de diversification, dans une bonne stratégie patrimoniale de long terme.

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