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jeudi 19 mars 2009

La bijouterie berbère divulgue les secrets de ses artisans

Situé au centre-ville de Tiznit, le complexe de la bijouterie, qui abrite aujourd’hui les boutiques de bijoux typiques, est l’univers des artisans de la région. Un espace où ils donnent libre cours à leur créativité et font renaître les formes d’un ornement de renommée mondiale. C’est dans cet espace où les signes et traces de l’artisan deviennent un ravissement de la mémoire.  Les  visiteurs y plongent comme dans un océan pour percer les secrets de fabrication, de signification et d’usage de la bijouterie berbère.

Traditionnels, modernes ou d’inspirations ancestrales adaptées à la vie moderne, les bijoux berbères semblent enrichis de toutes les transformations et mutations du temps. Toujours fidèle à son identité et confectionné en argent, ce bijou connaît aujourd’hui un grand engouement. «Je me rappelle que depuis que j’étais enfant, j’ai toujours porté une bague ou un petit bracelet en argent. Les femmes de ma famille avaient toujours les doigts, cous, ou poignets ornés de différents bijoux, qui les ont toujours accompagnés depuis leurs jeunes âges. Je dirais que la femme berbère a toujours entretenu une relation d’amour et d’amitié avec ces bijoux. Ils étaient à la fois ses alliés mais également son ornement quotidien», souligne Fadma, rencontrée devant une boutique de bijouterie en argent à Tiznit. En effet, le bijou berbère, souvent confectionné en argent, a toujours constitué le trousseau de la mariée dans les familles berbères. La mère offre à sa fille le jour de son mariage tous les bijoux transmis de génération en génération entre les femmes de la famille. Mais au-delà de sa fonction ornementale le bijou berbère conçu en argent était perçu comme un élément de guérison aux multiples vertus médicinales, il était à la fois utilisé pour chasser le mauvais œil et le mauvais sort. 
Pourtant, cette fabrication destinée jadis à des femmes dites traditionnelles est aujourd’hui au cœur des tendances de la mode et fait l’objet d’une forte demande. En effet, de plus en plus de femmes optent pour l’achat de bijoux en argent, typiquement berbères. «Nous assistons aujourd’hui à une meilleure valorisation des bijoux berbères, la demande est à la fois nationale et internationale. Je peux certifier que les clients se trouvent chaque fois émerveillés devant  le savoir-faire et la beauté des modèles qui leur sont proposés. Du coup, ils posent des questions, veulent se documenter pour comprendre la signification des signes et l’histoire de la bijouterie berbère», explique Hamid, bijoutier à Kissariat Assafa,à Tiznit.

Mais derrière cette richesse se cache le talent d’artisans qui se sont donné au métier depuis leur jeune âge.  Ralliant leurs désirs de créativité à leur savoir transmis de génération en génération, ils excellent chaque jour. Usant de matériaux très nobles et traditionnels, ils manient à merveille leurs doigts et mains d’une habileté extraordinaire. Dans une démarche où règnent la concentration, le dévouement et la symbolique, ils se plient aux exigences de leurs talents. Les signes et motifs mémorisés à force d’être retracés et retravaillés viennent ainsi se poser sur la surface lisse argentée pour prendre forme. «J’avais choisi, depuis mon jeune âge, de me donner corps et âme à ce métier de joaillier, je retrouve un réel plaisir à voir  ma matière première se transformer en  passant d’une étape à l’autre  pour enfin prendre une forme. Chaque   bijou confectionné est un accomplissement ou un nouveau défi pour ma main d’artisan et mon imagination d’artistes», confie Hamid. Marqué par une recherche identitaire et esthétique, les bijoux berbères retracent cette quête idyllique de l’artisan d’un lieu où se joint la créativité à l’utilitaire et l’ornemental. La fabrication, qui se fait en deux techniques, dévoile avec grandeur la richesse d’une culture et d’un patrimoine qui a su s’ancrer dans le temps et dans l’espace. Car si la première consiste en le moulage et le découpage du bijou, la deuxième reste l’une des techniques qu’on ne retrouve plus qu’à Tiznit ou dans quelques endroits de Kabylie. Elle est nommée la bijouterie émaillée dans la mesure où des pierres sont introduites dans la fabrication du bijou tel : le louban, le corail ou la verroterie. Dans cette quête  acharnée de la grandeur et de la relance d’un patrimoine riche et diversifié, l’artisan berbère restitue, le savoir-faire, l’héritage ancestral et l’adaptation aux mutations de son temps. Le bijou berbère devient alors un espace où s’immerge l’écriture, le signe et la couleur comme une forme esthétique érigée en œuvre d’art éternelle. Né d’une démarche presque mystique, le bijou berbère a toujours su manier avec délicatesse voire même avec un savoir-faire ancestral, la créativité de l’artisan et les besoins d’ornement. Les formes complexes, les couleurs, les signes et les symboles semblent s’allier en harmonie en donnant naissance à des chefs-d’œuvre  incontestés. Fibules, boucles, bracelets, colliers et diadèmes annoncent cette fascination de l’artisan pour les lignes et les interactions. S’exposant en tableaux d’art, les bijoux berbères relatent cette histoire multiple d’une culture, d’un patrimoine et de ce voyage dans le temps. 

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